Philosophie du Bonheur

Avant-propos :
L'envie de rédiger un article de forme plus philosophique m'est venue alors que le professeur et animateur Raphaël Enthoven proposait le thème, dans son émission Philosophie diffusée sur Arte.
La problématique était alors : Qu'est-ce qui peut nous rendre heureux ?
Parmi les rebondissements du débat, j'ai attrapé au vol la problématique suivante, afin d'en approfondir le sens :
Le bonheur est-il un pessimiste ou un optimiste ?
Réflexion :
Si le bonheur est personnifié, quels sont les arguments possibles soulignant son pessimisme ? Quels sont les arguments possibles soulignant son optimisme ? D’une certaine façon, comment agirait l’incarnation du Bonheur ?
L’incarnation sous-entend que cette figure possède des qualités optimales reflétant l’idée qu’elle incarne. De cette façon, nous nous trouvons en présence d’un être au visage multiple, reflétant ainsi chaque idée subjective du Bonheur. Est-ce la Possession ? Est-ce l’Accomplissement ? Est-ce Avoir, ou bien Rechercher ? Et qu’en est-il si l’on considère que la Recherche sous-tend elle-même l’idée d’être en possession d’une vertu particulière ? Alors l’être qui trouve son Bonheur dans la Recherche, en Accomplissant cette œuvre jour après jour, fait de la Possession l’outil et non la fin en soi. Qu’en est-il, à l’inverse, si l’on considère la Possession comme la fin, et la Recherche comme le moyen d’y parvenir ? Il est alors nécessaire de rechercher la vertu idéale menant à la meilleure façon d’atteindre la Possession. Posséder une vertu afin de demeurer un chercheur éternel, ou bien rechercher une vertu afin d’en venir à posséder.
Posséder. Si nous parlons d’une possession, nous évoquons un objet défini et figé, tandis que si nous parlons de posséder, nous évoquons un processus. La possession viserait un objet unique, comme tenir le Bonheur entre ses mains. La question se pose alors de savoir comment l’individu ayant enfin obtenu cet objet peut avoir été heureux avant de l’avoir, comment peut-il être heureux tant qu’il le possède et comment peut-il être heureux si cet objet lui échappe à nouveau. Le processus de posséder est alors intéressant. Dans le processus, le Bonheur se glisse partout où l’individu imagine l’objet de son désir. Dans le passé, dans le présent et dans l’avenir. Si l’on prend l’exemple de la Possession de la Confiance, de façon à être par la suite confiant d’avoir possédé, de posséder et de pouvoir posséder à nouveau, et depuis lors être heureux tout en ayant une conception figée du Bonheur, que devient l’individu qui n’a pas immédiatement possédé la Confiance, qui était pour lui l’idée du Bonheur ? Probablement a-t-il dû être un chercheur, avant d’être un possesseur. Et s’il n’avait pas alors une idée du Bonheur comme correspondant à la Recherche, comment pouvait-il être heureux avant de l’être ? Si l’on prête à l’idée du Bonheur celle de Possession, qu’est-il intéressant de posséder dès la naissance qui soit précisément lié à la Possession imaginée du Bonheur ? Qui de celui dont l’idée du plein Bonheur réside dans la Possession de la Vie ou celui dont l’idée du plein bonheur réside dans la Possession d’un compte en banque extrêmement garni – qui plus est en étant de naissance modeste – est-il le plus Optimiste sans être dans une idée de processus mais de fixation ?
Rechercher. Si nous parlons d’une recherche, l’enjeu est que cette activité soit suffisamment infinie de manière à ne point en obtenir un résultat définitif et d’en faire ainsi une possession, et alors risquer de perdre son Bonheur. Si nous parlons de rechercher, le processus peut alors inclure plusieurs domaines de recherche se succédant, où les résultats s’enchaineraient les uns derrière les autres en créant une œuvre perpétuelle, qui s’achèverait uniquement dans la mesure où le chercheur accepterait une contrainte de ne plus être chercheur. Que peut-on dire de la nature de celui dont l’idée du Bonheur est la recherche du Bonheur lui-même, alors même qu’il se considère heureux ? Il aurait donc baigné dans cette recherche du Bonheur dès les premiers chapitres de son éducation.
De cette façon, nous obtenons un schéma selon lequel un individu ayant une conception du Bonheur comme une réalisation figée et précise, limitée, sera pessimiste. Tandis que l’individu ayant une conception du Bonheur comme processus perpétuel de réalisation, élargit le spectre des possibles et tend à être un optimiste. Enfin, incluons dans ce schéma les cas d’individus aux idéaux de Bonheur limités dans leur définition comme dans un cadre strict et qui vivraient dans ce cadre depuis l’aube. Ces derniers sont-ils Pessimistes ou Optimistes ? Craignent-ils de perdre un jour les tuteurs de leur cadre, ou bien ont-il la vertu nécessaire à les croire indéfectibles ou à les consolider par entretien ?
Quant à celui dont l’idée du Bonheur évoque l'annihilation du Bonheur lui-même, comme éloge de la souffrance, comment peut-il être heureux s’il n’est pas satisfait de l’être ? Et comment peut-il être malheureux s’il est satisfait de l’être ? S’il est dans la certitude de dénouer un jour l’ultime paradoxe, il risque fort d’émettre de l’espoir et donc de contraindre une fois de plus sa souffrance. Ou bien le fait d’espérer le fait-il souffrir et le voilà suffisamment torturé pour être Optimiste tout en souffrant le martyr, avec en prime le Bonheur de se rendre malade d’avoir foi en une possibilité qu’il refuse d’entrevoir. Ce personnage – tout à fait entre nous – m’amuse beaucoup. La satisfaction peut-elle être malheureuse ou violente ? Demandez-lui !
L’incarnation du Bonheur, peut donc être soit une figure semblable à un labyrinthe sombre dans lequel il est possible de tomber sur le trésor, soit une figure semblable à un champ de culture fluctuant avec les saisons et portant chaque fois de nouveaux fruits. Enfin, nous pouvons conclure que le Bonheur est un Optimiste convaincu s’il est tout autant animé de cultiver que de récolter, et un Pessimiste accompli, éternel insatisfait, s’il crée la règle de craindre toujours le pire et de vivre uniquement de vœux paradoxaux. L’incarnation du Bonheur, Ange ou Démon ?
La question suivante pourrait être : De quelle nature le Pessimiste qui souhaite apprendre de l’Optimiste est-il ?
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