Ce que l'intuition n'est pas

Une croyance particulière déporte la conscience de l'axe intuitif profond. Elle est la source de comportements suspicieux et superstitieux. Une croyance prisée par les paranoïaques, les personnes en recherche de confiance et de sécurité.
On la détecte à travers certaines expressions telles que "Je le savais !" ou "J'en étais sûr..." "J'aurais du m'écouter !" "J'avais vu juste !"
Savoir, avoir la certitude de, devoir, avoir la justesse de... ces appuis verbaux sont des démonstrateurs. Ils transmettent l'idée d'une puissance intérieure forte. C'est seulement une expression de réassurance. Elle a pour rôle de tracer une route dans l'esprit individuel et dans celui de l'entourage comme une forme d'ordonnance qui annonce "À présent, on me suit. On va par là !" Ce qui crée une hiérarchie avec l'impression qu'en menant la danse, le monde est plus stable.
Or, même un individu qui ne cherche pas spécialement à produire ce schéma peut subir les effets dictatoriaux de cette croyance qu'avoir de l'intuition, c'est "savoir". Alors que la seule chose que l'on sait, est que l'on croit en une intention encourageante ou décourageante. Une intention qui intervient juste avant de se mettre en chemin vers ce que l'on a déjà déformé comme étant agréable ou désagréable.
On n'a pas envie d'aller au boulot ? Le train est en retard ou supprimé et voilà que cet événement valide le sentiment de lassitude ressenti, en occultant la cause profonde qui est que ce boulot est affligeant pour soi. Si le train est à l'heure, le sentiment sera validé plus tard. Un type puant qui prend place à côté de soi, la marche que l'on a loupée en quittant le wagon et qui nous fait boiter, le collègue absent...
A contrario, une personne enthousiaste à l'idée de se rendre sur son lieu de travail, aura les yeux et les oreilles rivés sur les détails agréables de son trajet. Elle verra la place libre ensoleillée, reniflera le type puant et s'en détournera ou lancera à son approche un indicateur inconscient de son refus à ce qu'il s'installe, elle entendra l'annonce "Attention à la marche en descendant du train." Appellera son collègue absent et lui remonter le moral la fera sourire pour la journée etc.
Lorsqu'un ami prête un livre, s'il est trop insistant et que ce forcing est désagréable, ce sentiment sera reporté sur le livre. Pourtant, à moins que l'objet soit à l'image du caractère dérangeant de cet ami, le livre est un élément à part entière. On lira donc le livre à contre-coeur en faisant abstraction de ses points forts. Conclusion : je savais que ce livre allait me déplaire !
La formule la plus juste ne serait-elle pas plutôt "J'ai tout fait pour que ce livre me déplaise" ?
L'intuition n'est-elle pas alors une fois de plus ce guide qui indique la nature de la voie que l'on a dessinée nous-même devant nos pas ?
On imagine et on influence, on ne sait pas. On constate et on déduit, puis l'on fait le choix entre s'attarder sur les conclusions ou sur un objectif valorisant. Comment la vie change lorsque l'on plante en soi l'indication de la Curiosité et de la Surprise ? Lorsque l'on associe le fait de glisser à l'excitation, à l'amusement, à l'équilibre, à la vie ?