Dans la tête d'une Hypnothérapeute

Avant-propos :
Vous vous demandez comment se passe une séance d'hypnose ? Votre thérapeute D-Care s'est mise à l’œuvre afin de partager avec vous une expérience hypnotique. Chaque séance, chaque rencontre, est unique dans le sens où - comme vous pourrez le constater - aucun univers ne ressemble trait pour trait à un autre. Le rôle du mentaliste est d'observer et rebondir, dénicher la répartie qui aidera le plus rapidement l'individu à progresser hors de ses sentiers battus.
Une métaphore est un outil extraordinaire, dans le sens où étant le langage d'une région du cerveau exprimant nos neuroassociations, il est possible de l'améliorer de manière à créer une répercussion dans la compréhension rationnelle du monde. Donc, les comportements humains varient en fonction des métaphores bien personnelles de chacun. Sous hypnose, ces métaphores deviennent souvent plus accessibles à la partie rationnelle et elle prend plaisir à utiliser ses fonctions de création pour élaborer de nouveaux décors qui sonneront plus juste.
Afin de respecter la confidentialité de cette rencontre, il ne sera fait aucune mention du style vestimentaire, de l'âge ni de l'identité de la personne.
Récit :
Ma patiente va arriver d’une minute à l’autre. Comme à mon habitude, j’ai pris cinq minutes pour redonner un coup de frais à la pièce autant qu’à mon esprit. Une page vierge s’écrira devant moi et je suis comme une lectrice avide de découvrir les premières phrases à venir.
« Je suis sincèrement désolée, excusez-moi je serai en retard de dix minutes ! Je suis navrée, il y avait des travaux sur la chaussée !! »
Je souris. Premiers indicateurs révélés dans ce message. Elle sera probablement très organisée dans sa vie et à la fois poursuivie par le sentiment d’être débordée en cas de moindre imprévu. Ses gestes seront vifs, elle aura besoin d’être rassurée dans l’immédiat aussi sec que de jeter un emballage industriel vantant les mérites du produit, pour le déguster.
Elle sonne et monte. En ouvrant la porte, je la découvre encore embrouillée de ce qu’elle vit comme un périple. J'entreprends d'abaisser le curseur de sa nervosité.
« Ah ! Les retards surprises sont les bienvenus ! J’avais justement besoin de minutes supplémentaires pour replacer correctement le siphon de mon évier ! On échappe à une inondation ! Merci ! »
Elle se stoppe net et émet un rire de soulagement.
« C’est drôle que vous parliez d’évier, je me disais justement qu’il y a toujours une fuite chez moi quelque part. Et ça se ressent beaucoup dans le temps !
[C’est une femme portée sur l’abstraction. Elle aura une transe riche et nourrira chaque métaphore avec fantaisie et plaisir. Je me ferai une interlocutrice loquace, à la hauteur de son imaginaire volubile. Une hypnose conversationnelle sera déjà très productive. J’entame par de la confusion métaphorique, afin d'enrailler son haut niveau d'exigence personnelle qui génère trop de stress.]
- Vous voulez dire que lorsque vous fuyez quelque part, c’est que le temps est maussade et que lorsque vous restez étanche, le temps est ensoleillé ?
- … Haha ! Il y a aussi de ça !
- Vous demeurez étanche et tout circule parfaitement ou c’est en circulant parfaitement que le temps s’améliore ?
- … Il manque des mots, je crois… [Elle a repéré ma stratégie, elle est dans le contrôle probablement autant pour donner la « bonne » réponse que pour s’assurer de la confiance à m’accorder.]
- Peut-être ! Passons à côté ! Je vous laisse vous installer confortablement. [En laissant en suspens cette métaphore, je lui offre le plaisir de la compléter à sa guise sans qu’elle n’ait à y réfléchir.] »
Elle s’installe, croise les jambes, les bras, puis les rouvre, les recroise, et finit par se replier légèrement. Plexus solaire étriqué. Face à elle, je commence par adopter le même genre de dynamique de petit animal craintif, puis je lui présente la position qu’elle adoptera naturellement plus tard. Ce afin de montrer à la part d’elle qui sait reconnaitre la solution que j’ai bien saisi son appel. Une version d’elle déjà plus sereine. La synchronisation naturelle de nos énergies achèvera de créer un juste milieu de décontraction.
Elle commence par m’interroger du regard. Par quoi on commence ? Puis-je parler ? Je lui fais signe que la parole est à elle. Beaucoup de « je ne sais pas » dès les premiers échanges m’indique qu’elle ne se laisse pas le temps de s’observer intérieurement. Elle a appris à accorder peu d’importance à son état, à son opinion personnelle, ce qui n’arrive pas du tout lorsqu’elle évoque ce qu’elle présente comme ses valeurs. Coupant net une description détaillée et impersonnelle qui n'a pour effet que de la plomber, je propose un premier jet.
« Je vous vois installer à une table. Remuant pour qu’on vous interroge car vous avez bien appris votre leçon. Sure de connaitre la réponse. Et en même temps, bloquée comme par une envie irrépressible de quitter les lieux et d’aller cueillir des pâquerettes. [Elle s’humecte les lèvres et cligne des yeux, prête à se justifier. Elle a honte ? Culpabilise de ce qu'elle vient de se laisser imaginer à travers ma proposition ? Je désamorce.] J’adore les pâquerettes ! Ce serait beau de laisser un enfant aller en chercher pour égayer la pièce et rappeler que d’autres choses peuvent éveiller l’esprit.
- Ma mère commandait toujours un bouquet de roses rouges pour la salle-à-manger. Toujours le même. Avec un nombre précis de fleurs. Le livreur entrait par la porte de la cuisine, elle disait « Posez-le là. Merci. » Et le bouquet trônait pendant peut-être une semaine, jusqu’à ce qu’il disparaisse entre les mains de la femme de ménage.
- Et il en allait de même avec d’autres éléments de sa vie.
- Tout à fait. Elle a notamment fait trois fausses couches avant de m’avoir. J’ai été le bouquet rebelle…
[Elle a le regard fixé, bas dans son ressenti. J’en profite pour l’y accompagner.]
- Ce bouquet trône sur la table et quelque part, les yeux fixés dessus à un moment donné, vous vous en approchez. Et vous remarquez le rythme de votre respiration qui parle. Vous avez un certain âge et d’ici une autre part se charge de celle qui veut faire quelque chose de particulier de ce bouquet. Le film se poursuit et les yeux s’ouvrent vers cette salle intérieure dans laquelle la réalisatrice tourne le film. Que faire de ces fleurs ? Où l’envie pousse à les placer ?
- Il faut les honorer. Les mettre au pied du rosier et ne plus jamais couper les fleurs. C’est juste pour faire joli.
- À leur contact, les mains se mouillent agréablement. Les yeux se ferment comme absorbés vers la puissance intérieure qui appelle à focaliser l’attention sur tout ça… [Ses yeux se ferment totalement et sa tête oscille, elle inspire] ce qui provoque en effet des envies d’inspirer plus profondément, comme au moment de s’endormir. [Je pose des fusibles pour la transe] Et à tout moment lorsqu’on entre dans son univers intérieur, une part veille à ce que tout se déroule idéalement. La voix qui parvient de l’extérieur est comme un fil d’Ariane invité ou non à être juste là, dans la scène, ou un peu moins proche tout en étant à portée de main. Le corps sait comment communiquer aisément de la tête aux bouts des ongles. Et sous les doigts la fraicheur de l’eau rappelle celle de la rosée qui se dépose sur les rosiers épanouis dans le jardin. [Ses doigts s’activent déjà et elle confirme visiblement avec le pouce, ponctuant chaque action, tout en acquiesçant]
- Comment est la salle-à-manger sans les roses au milieu de la table, quand elles nourrissent la terre au-dehors ?
- Plus vraie. Sans artifices.
- Et qu’est-ce que ça crée comme impression ?
- On voit mieux que les murs s’écaillent.
- Lorsque sur un point du temps le ressenti invite à agir maintenant, avec ces murs et cette pièce et tout ce qui s’y trouve et la traverse, à d’autres endroits le temps change. Le soleil revient. [La confusion des termes entrainera une mise en application du ressenti agréable de l’ensoleillement sur le présent et indirectement l’avenir, en passant par ses mauvais souvenirs] Cela arrive souvent quand la fenêtre s’ouvre pour laisser entrer la lumière. Que fais-tu, toi ?
- Je gratte sauvagement les murs.
- Quel effet ça fait ?
- Du bien ! J’ai retiré d’énormes morceaux. [Un autre doigt s’est manifesté, nerveusement]
- Avec quoi se protéger les mains quand on refait l’intérieur comme ça ? [Le pouce valide cette suggestion]
- Oui… J’ai des gros gants maintenant. C’est mieux. Les murs sont déjà tout blancs. »
La description se poursuit, je la laisse à son univers, son envie d’utiliser la parole se faisant de plus en plus mince et rare. Elle répond plus amplement à l’aide des micromouvements dans ses doigts. Je l’ai laissée avec quelques questions dont les réponses lui parviennent à elle seule, ce que je peux observer avec les expressions significatives de son visage.
« À tout moment, si c’est utile, la parole orale peut revenir pour préciser des choses, afin que l’accompagnement qui a été demandé se fasse au mieux. Souvent, il est plus facile de laisser totalement aller le corps dans les directions et avec la poésie unique qu’il utilise. Des gestes comme des idéogrammes qui libèrent autre chose tout en se déployant dans l’espace. »
Parfois, je repère une résistance. Une émotion pointe et elle se crispe. Je choisis de faire surgir dans son univers un biais de soulagement de ce blocage.
« Alors que la scène se poursuit, se dessine sur plusieurs supports avant d’être validée pour aujourd’hui, il y a ce récipient qui se remplit dans l’une des deux mains. Ce qui bouchait et créait une fuite se déverse dans ce réservoir extérieur avant de se trouver naturellement au recyclage. Quand il y a comme ça un réservoir qui pue quelque part, a-t-on envie de faire partie des rares à le laisser trainer dans la maison ?
- [signal fort que non]
- L’écosystème est si génial que ce qui est jeté ici se transforme ailleurs positivement. Souvent même cela crée un effet d'oubli du souvenir comme on oublie de se rappeler ce qui a nourri la plante qui pousse et la fleur qui éclot [suggestion d'amnésie afin que l'application des nouveautés positives se ressente comme vraiment intégrée et usuelle]. Et chaque organe, comme les pièces d’une maison, trouve bon compte à cette action écologique et responsable [Liaison avec les principes de médecine traditionnelle chinoise, car son teint indique un affaiblissement des Reins, avec les répercussions progressives liées]. Souvent, lorsque tout fonctionne dans la salle-de-bain, on se sent aussi comme mieux réveillé et prêt à ranger le reste de la maison. L'énergie augmente. On prend plus de plaisir à se mettre en cuisine et à table, lorsque tout est rafraichi et ordonné à la façon qui nous arrange vraiment. On nous avait peut-être incité un jour à placer le lit ici, les affaires là, et puis quand on aménage tout soi-même avec détermination et audace c’est un autre décor qui s’affirme et le choix entre les deux devient évident. [Les termes utilisés expriment l’existence reniée d’un libre-arbitre qu’elle a besoin de faire valoir. Révélé en elle-même, elle n’aura plus les nerfs à fleur de peau et saura garder son calme, plus facilement. »
Le sourire à ses lèvres et la décontraction de ses sourcils m’indiquent la fin de ce travail, du moins d’une étape. La métaphore n’aura plus qu’à être naturellement concrétisée au jour le jour. J’interroge une dernière fois ses consciences afin de m’assurer que la séance est terminée.
« La conscience la mieux placée pour certifier que ces changements sont déjà effectifs… que les niveaux qui rencontraient des blocages ont enfin la voie libre… veut-elle bien se manifester pour valider ? [Blocage. Je penche pour une incohérence dans les signaux, déjà investis par d’autres parts de conscience, plus ouvrières et créatives.] Quand d’autres parts sont prêtes à céder leur place au micro, la part qui voit toute cette scène avec clarté peut s’exprimer. [Une ultime résistance est visible. Le visage prend une moue incertaine et je peux ressentir sa crispation intérieure au niveau de la main droite. Elle est comme intimidée par une idée. Celle de terminer la séance ? Je teste. ] Ce qui est appréciable avec la transe hypnotique, c’est que tout ce qui est positif s’intègre, si bien que quand une histoire se termine comme un rêve duquel on sort, on se réveille déjà grandi par ce qui a été vécu à l’intérieur. Le monde extérieur devient au moins aussi intéressant et agréable à vivre. [La main s'ouvre. Elle sursaute en inspirant et ouvre les yeux] »
Peut-être devra-t-elle insister avec quelques séances supplémentaires. Je lui prescris quelques exercices de visualisation qu’elle utilisera au besoin, pour s’approprier les outils de l’hypnose. C’était une grande séance de ménage. En l’invitant à s’approprier la position de sa mère, dont la référence était frappante en début de séance, et en agissant à sa place, il lui a été possible de sublimer sa colère enfouie, sa frustration. Cette séance aura probablement un effet très libérateur dans ses choix personnels.
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